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Traiter une objection

Temps de lecture : 5 minutes

Résumé:


Le traitement des objections est un marronnier rebattu.
Pour traiter ce sujet et trouver de nouvelles solutions, nous utilisons dans cet article quelques éclairages scientifiques de : Robert B Cialdini, Daniel Kahneman, Garrod et Pickering, Levinson ainsi qu’une analyse quantitative et qualitative d’un échantillon de 20 conversations commerciales avec objections.

Le problème à traiter: cela va trop vite


Traiter une objection est comme courir à pied derrière quelqu’un qui s’enfuit 50 mètres devant en vélomoteur.
C’est épuisant et décourageant et en plus inefficace. Les moyens ne sont pas équilibrés.

L’effort cognitif nécessaire pour essayer de rattraper notre interlocuteur est beaucoup trop important pour la bande passante du cerveau (voir article), et de plus notre interlocuteur a déjà pris une décision.

Ce qui se passe:

Nous portons notre attention sur l’objection et non sur l’interlocuteur


Au lieu d’accompagner spontanément notre interlocuteur, notre cerveau cherche une solution à l’objection de manière consciente et réfléchie — et lente –.

En se focalisant sur le traitement de l’objection, le cerveau passe en Système 2 (voir article sur Kahneman: Thinking Fast and Slow) c’est à dire un mode réfléchi et lent, consommateur d’énergie mentale. et il quitte le mode spontané et rapide (Système 1) de la conversation, les neurones miroirs qui permettent au cerveau de s’adapter à notre interlocuteur ne sont plus activés.
Il est alors très laborieux de capter l’attention de notre interlocuteur, et impossible de rattraper la conversation avec notre système 2.

De son côté, notre interlocuteur reste cohérent avec son objection


Une fois qu’il a émis une objection, notre interlocuteur va chercher à défendre cette objection qu’elle soit ou non justifiée, selon le principe d’engagement et cohérence qui est un moteur social de notre comportement (R Cialdini)
Lutter contre celle -ci est donc une perte d’énergie inutile et est de toute façon incompatible avec la vitesse de la conversation.
Plus vous cherchez à traiter l’objection, plus votre interlocuteur cherche de bonnes raisons pour la justifier pour montrer sa cohérence, et ceci est un moteur très puissant du comportement. (voir en détail l’article sru le principe d’engagement et de cohérence de Robert B Cialdini)

La réalité observée dans les conversations enregistrées:


L’observation méthodique d’enregistrement (Méthode CADO) de conversations commerciales montrent que:

  • le client perçoit instantanément le mécanisme de traitement de l’objection et résiste le plus souvent en fermant davantage la conversation — dans le tour de parole suivant —
  • le commercial passe en rythme lent typique du système 2, — les silences entre tour de parole sont supérieurs à 200 msec — il cherche ses mots et ses arguments, essaye au mieux de trouver des questions que le client détourne ou au pire se réfugie dans un monologue argumentaire, il est seul, le client est déjà ailleurs et prépare sa sortie de la conversation.
  • la conversation prend un rythme plus lent, haché et parfois conflictuel, il n’y a plus de contexte partagé entre les cerveaux des deux interlocuteurs, le mode spontané décrit par Garrod et Pickering n’est plus en action (voir article)

La séquence cognitive
Le client lorsqu’il émet une objection, a déjà parcouru le chemin suivant

  • le fil de la conversation a fait saillir dans son cerveau la pensée d’une objection
  • le client prend la décision de l’émettre dans le fil de la conversation
  • les contextes dans le cerveau du client (la raison de son objection) et du commercial (les arguments pour traiter l’objection) sont distincts , la conversation n’est plus synchronisée naturellement.
  • Pour faire retrouver un fil à la conversation, il faut que les deux cerveaux se rejoignent sur un terrain commun (common ground en linguistique)
  • la conversation tourne court la plupart du temps faute de contexte commun

Les pistes de solutions:


L’objection a été émise, il faut donc l’accepter, l’objectif immédiat est de rouvrir la conversation pour créer de nouvelles opportunités.

Recommandation
Ralentir, abandonner l’étape qui consiste à traiter l’objection et se contenter de rester là où se trouve le client, c’est à dire dans le contexte qui a généré l’objection dans son cerveau.
Peut être que la conversation repartira en fonction de la motivation du client (si l’objection est fondée et véritable).

La priorité n’est pas de traiter l’objection mais de réouvrir la conversation et recréer un fil. Sans conversation spontanée, il n’y a aura pas moyen de créer une relation autour de votre produit, il s’agit donc de commencer par réalimenter le fil de cette conversation qui se ferme.

Les conversations qui se réouvrent après une objection comportent essentiellement des questions ouvertes très simples, voir “simplistes” associées à une reformulation echo qui agit comme un réflexe spontané (activation des neurones miroirs):
cher? vous avez dit cher ? pourquoi cher ?
Votre conjoint ? vous souhaitez en parler avec votre conjoint ? oui bien sur et de quoi voulez vous lui parler ? ou bien quand pensez vous lui parler ?

Du point de vue lexical, il ne s’agit pas d’inventer, ni de réfléchir mais surtout de répéter en mode echo le lexique du client, ses mots clés et de chercher à faire préciser ce qui est interprétable.

A l’inverse le questionnement élaboré et intelligent tel que “qu’est ce qui vous amène à penser ceci” ou “quels sont vos critères de choix ?” est plus élégant mais apparemment moins efficace:
1 — le conseiller a plus de mal à les produire avec son système 2 et il ralentit la conversation au lieu de la faire repartir.
2 — Le fait qu’un nouveau lexique soit employé (le client n’a pas employé les mots “critères de choix” par exemple) pénalise la synchronisation naturelle et spontanée de la conversation — cf Garrod et Pickering pourquoi les conversations sont si faciles — le système 1 (spontané) du client fait alors appel au mode système 2 (réfléchi), celui-ci raisonne et perçoit immédiatement le traitement de l’objection et va résister ..

Il semble donc qu’il vaille mieux faire confiance à notre système 1 et celui de notre interlocuteur, ils savent apparemment s’entendre naturellement.
La bonne nouvelle est que le système 1 suit docilement le chemin de notre intention
Si notre intention est simplement de comprendre ce que le client a en tête — c’est à dire ce qui a généré son objection –, cela suffit pour générer des questions simples en echo à l’objection du client

Qu’est ce que cela donne en pratique ?


Nous avons réalisé une observation sur 20 conversations enregistrées et sélectionnées parce qu’elles comportaient un traitement d’une objection dans le fil de la conversation.
Les conseillers avaient été formés aux méthode CADO de traitement des objections.
Le résultat: plus le conseiller reste dans le tac au tac spontané en mode echo sans chercher à produire de questionnement élaboré ou d’argumentation détaillée, plus la conversation s’ouvre.

Et le client spontanément précise son idée en suivant le principe de pertinence (voir article) et donne ainsi de nombreux leviers sur lesquels s’appuyer.
Le simple fait de laisser son esprit comprendre ce que l’autre veut dire avec son objection suffit généralement à la lever.

NB si l’objection est fausse, le client se dévoile tout de suite en refusant de répondre

Ceci peut se résumer en
clarifier son intention : comprendre ce que le client a dans la tête
mode opératoire: repérer les mots clés interprétables de son objection et les faire préciser sans trop réfléchir à la formulation

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