Le biais d'engagement et de cohérence

autruche

Le principe d’engagement et cohérence influence fortement notre comportement, dans la vie courante mais également durant la conversation.

Le principe de cohérence est bien décrit par Robert B Cialdini dans son livre Influence (1984) . Nous en reprenons les principaux éléments dans cet article.

Robert B. Cialdini, né le 27 avril 1945, est un psychologue social américain. Il est surtout connu pour son livre traitant de la persuasion et du marketing : Influence, the Psychology of Persuasion édité en France sous le titre Influence et manipulation.

Dès que vous avez pris un engagement, vous vous y tenez plus que de raison.

Les psychologues ont depuis longtemps compris le pouvoir direct du principe de cohérence sur le comportement humain. Leon Festinger, Fristz Hielder, Theodore Newcomb considèrent le désir de cohérence comme le moteur central de notre comportement. Leonard de Vinci “Il est plus facile de résister au début qu’à la fin

A tel point que ce principe nous fait parfois faire ce qui qui est contraire à notre intérêt

La motivation à être (et apparaitre) comme cohérent est un moteur social si puissant qu’il peut nous pousser à agir contre notre intérêt.

La cohérence est fortement valorisée dans nos sociétés, La plupart du temps pour notre bénéfice, sinon nos vies seraient erratiques et nos rapports sociaux difficiles.

Mais comme il est si typiquement attendu d’être cohérent, nous tombons facilement dans le piège de chercher à l’être même dans les situations où cela n’est pas rationnel.

Quand elle est automatique, la cohérence peut devenir désastreuse pour nous. Et pourtant, la cohérence aveugle a ses attraits irrésistibles.

Tout d’abord, parce que comme toutes les réponses automatiques, elle nous offre un raccourci à travers la densité complexe de la vie moderne. Une fois que l’on a pris une décision, la cohérence bornée nous apporte le luxe confortable de n’avoir plus à réfléchir profondément au sujet en question. Nous n’avons plus à analyser le blizzard d’informations qui nous entourent quotidiennement pour identifier ce qui est pertinent, nous n’avons plus à peser longuement le pour et le contre, nous n’avons plus à prendre de décisions difficiles. A la place, lorsque nous sommes confrontés à la situation, il nous suffit d’invoquer notre cohérence et nous savons ce que nous avons à faire, croire ou dire. Il nous suffit de croire, dire ou faire ce qui est cohérent avec notre décision antérieure. L’attrait d’un tel luxe ne doit pas être sous estimé. Il apporte un moyen pratique, sans effort et efficace pour gérer un quotidien complexe qui éprouve sans cesse notre énergie mentale et nos capacités cognitives. Il est alors facile de comprendre pourquoi la cohérence automatique est une réaction difficile à infléchir, car elle offre une solution pour éviter la rigueur d’une réflexion permanente

Commentaire: nous rencontrons en permanence cette résistance dans la conversation dès que notre interlocuteur émet une (vraie ou fausse) objection. En émettant un avis, un objection, une décision, votre interlocuteur s’engage, prend une décision et s’y tiendra par principe de cohérence: exemple “je dois en parler à mon conjoint”, il n’est plus possible de revenir en arrière, votre interlocuteur demande un délais (sincère ou non ?)

Nous héritons d’une double tâche : Il ne s’agit non seulement d’argumenter l’objection de notre interlocuteur mais davantage de lui laisser une porte de sortie qui ménage sa propre cohérence. La tâche devient réellement complexe pour la bande passante cognitive de notre cerveau pendant la conversation. Nous verrons dans un autre article comment traiter ce point.

Mais la cohérence automatique exerce une seconde attraction plus perverse sur notre comportement. Parfois, ce n’est pas l’effort d’une réflexion cognitive intense qui nous pousse à éviter une activité cérébrale, mais la dure conséquence de cette activité. En effet, ce sont les réponses désagréables qu’une réflexion rationnelle et directe pourrait apporter qui nous transforment en fainéants mentaux. Il y a certaines choses déplaisantes dont nous ne souhaitons pas nous rendre compte. La cohérence automatique — comme méthode de réponse préprogrammée et aveugle — fournit un bonne manière de se cacher ces réalités déplaisantes. Protégés par la forteresse de la cohérence rigide, nous pouvons être imperméables aux assauts de la raison.

Cialdini cite plusieurs expériences pour illustrer ce principe:

  • Knox et Inkster ( 1968) ont étudié le comportement de parieurs aux courses avant et après avoir misé leur pari (la confiance des parieurs augmente très fortement une fois qu’ils ont fait leur pari, alors que rien n’a changé par ailleurs).

  • Thomas Moriarty (1975) a testé la réaction de vacanciers sur la plage auprès desquels un compère place sa serviette et va se baigner, pendant qu’un autre compère fait semblant de voler les affaires du baigneur, Si le baigneur demande aux vacanciers de veiller sur ses affaires avant d’aller se baigner, ceux-ci seront beaucoup plus prompts à intervenir auprès du voleur: 19 personnes sur 20 sont intervenues au lieu de 4 sur 20 lorsque le baigneur n’avait rien demandé. On voit le fort impact de la cohérence sociale avec la décision prise (veiller sur les affaires du baigneur, bien que cette décision ait été en quelque sorte imposée aux cobayes )

Nous verrons dans d’autres articles comment ce principe de cohérence joue un rôle pour les situations suivantes en conversations:

  • le traitement des objections

  • convaincre un client

et comment les gérer dans le flux de la conversation.